Où en est-on dans la première procédure judiciaire concernant la loi sur le devoir de vigilance ?

Le dossier « Total Ouganda » donne lieu à la première procédure concernant la loi sur le devoir de vigilance du 27 mars 2017, qui impose aux grandes entreprises françaises de mettre en place un plan de vigilance visant à prévenir et identifier les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé et sécurité des personnes ainsi qu’à l’environnement et qui suscite encore de nombreuses questions d’interprétation.

Première question : la compétence du tribunal saisi.

 

Contexte

 

Total S.A. et d’autres compagnies pétrolières sont opérateurs de permis d’exploiter des réserves de pétrole situées en Ouganda, dont une partie est située au cœur d’un parc naturel protégé.

En 2019, des ONG ont interpellé TOTAL SA sur la base de la loi française sur le devoir de vigilance en dénonçant les impacts sociétaux pour les communautés riveraines du projet et les impacts environnementaux pour la biodiversité de ces projets pétroliers aux motifs :

(I)                que le degré de précision de son plan de vigilance serait insuffisant car il présenterait seulement une liste de risques génériques, non hiérarchisés en fonction de leur gravité et sans être associés avec une activité précise, une zone géographique ou un projet ;

(II)               que le plan de vigilance ne contiendrait aucune mesure de vigilance raisonnable destinée à empêcher les atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales sur les projets pétroliers ;

(III)              que le plan de vigilance ne serait pas mis en œuvre par la filiale en Ouganda au regard des risques d’atteinte aux droits humains résultant des projets pétroliers

 

 

Premières étapes de la procédure en cours

 

  •  24 juin 2019 : Mise en demeure par les ONG de Total S.A aux fins de publier son plan de vigilance et d’assurer sa mise en œuvre effective.
  • 23 octobre 2019 : Saisine du juge en référé près du tribunal judiciaire de Nanterre (1).

  •  30 janvier 2020 : Le tribunal judiciaire de Nanterre se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre. Selon le tribunal, le plan de vigilance et son compte rendu de mise en œuvre font partie intégrante de la gestion de la société, et par conséquent relèvent des « contestations relatives aux sociétés commerciales », pour lesquelles seule la juridiction commerciale est compétente.

  • 25 mars 2020 : Communiqué des ONG informant qu’elles font appel de la décision et demandent à la Cour d’appel de Versailles de trancher sur :

·        la compétence juridictionnelle, soulignant que le tribunal de commerce serait plus enclin à établir un jugement en faveur de Total ;

·        les obligations qui incombent à Total sur la loi relative au devoir de vigilance.

  • Avril 2020, Total invoque un « droit de réponse », et publie un communiqué indiquant que Total réfute catégoriquement l’existence « d’atteintes graves aux droits fondamentaux des populations affectées par le projet [en Ouganda] ».

  • 28 Octobre 2020 : décision attendue de la Cour d’appel de Versailles.

 

A suivre, en escomptant qu’à terme, la procédure permettra de répondre à de nombreuses questions, notamment quant au niveau de détail que les entreprises doivent engager dans leur plan de vigilance.

 

 

 

 

(1) Ancien Tribunal de grande instance de Nanterre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce focus a été rédigé par le cabinet Proetic, en collaboration avec les étudiants du Master Droit et Ethique des Affaires de l’Université de Cergy-Pontoise (Ranim Kamel & Medhi Si Djelloul)



Ancien Tribunal de grande instance de Nanterre

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